Cette histoire fait partie de la série Nous sommes le changement en droits humains pour célébrer le 50ième anniversaire d’Equitas (#Equitas50). Tout au long de l’année 2017, découvrez les histoires de 50 défenseur-e-s des droits humains. Ce ne sont là que quelques leaders parmi des centaines qui, avec l’appui d’Equitas, changent des vies à travers le monde par l’éducation aux droits humains.
THÉRÈSE CASGRAIN ̶ Montreal, Canada
Cofondatrice d’Equitas
En 1967, un groupe d’éminents universitaires et militants sociaux créaient la Fondation canadienne des droits de la personne, aujourd’hui connue sous le nom d’Equitas. Convaincus que l’éducation dans le domaine des droits humains était l’une des clés pour l’amélioration de la justice sociale, Equitas a été mise sur pied pour réaliser cet objectif. Parmi le groupe d’hommes à l’origine d’Equitas tels que John P. Humphrey (co-auteur de la Déclaration universelle des droits de l’Homme) et le docteur Gustave Gingras se distingue une femme : Thérèse Casgrain.
Le nom de Thérèse Casgrain est emblématique de l’histoire récente du Québec. Née à Montréal en 1896, Thérèse Casgrain repousse les barrières à l’émancipation des femmes au Québec et ouvre la voie à l’obtention de droits, comme le droit de vote des femmes au Québec ou encore le droit d’accès aux études supérieures, dont on oublie trop souvent qu’ils ne le sont que depuis quelques décennies.
En lisant les nombreuses biographies à son sujet, on ne peut qu’être impressionné devant ses réalisations. Mais c’est en discutant avec sa petite-fille Lise Casgrain, qu’on saisit réellement la personnalité de Thérèse Casgrain, notamment son courage, son dévouement et même son entêtement! « Il ne fallait pas lui dire non. Au contraire, quand on lui disait non, c’était assez pour la motiver davantage pour poursuivre la cause qu’elle voulait défendre! », explique Lise Casgrain.
C’est à cette détermination que l’on doit plusieurs des changements positifs pour les femmes au Québec, l’obtention du droit de vote en 1940 étant sans aucun doute l’un des plus marquants. L’engagement de Thérèse Casgrain en politique a aussi été ponctué par dix campagnes électorales, allant même jusqu’à devenir la première femme de toute l’histoire canadienne à diriger un parti politique, lorsqu’élue chef de la Fédération du Commonwealth coopératif (CCF) au Québec en 1951, qui deviendra par la suite le Nouveau Parti démocratique (1961). Elle a aussi fondé le Comité provincial pour le suffrage des femmes (suffragettes) en 1921, a présidé la Ligue pour les droits de la femme de 1928 à 1942, a été élue présidente de la Ligue des droits de la femme en 1929, et a fondé la Fédération des femmes du Québec en 1966, pour ne nommer que quelques-unes de ses nombreuses réalisations.
Les exemples de ses exploits et de son audace abondent. En 1917, Thérèse Casgrain fait une présentation qui devait initialement être prononcée par son mari, Pierre Casgrain, député libéral fédéral, tombé malade cette journée-là. Elle s’est donc rendue à un rallye électoral à Baie-Saint-Paul et a prononcé ce discours en remplacement de son mari, ce qui était inconcevable pour une femme à l’époque. Ce discours a aussi été décisif pour Thérèse Casgrain, car il lui a permis de se faire connaître auprès des militantes pour le droit de vote et l’a amenée à s’engager sur la scène politique.
Thérèse Casgrain ne manquait pas d’idées pour attirer l’attention sur les causes qu’elle défendait. Alors qu’elle luttait pour l’obtention du droit de vote des femmes au Québec, « elle avait envoyé au premier ministre du Québec des roses rouges. Rien ne l’arrêtait. Cela déroutait les gens. Elle n’a jamais été une personne traditionnelle ». Peu importe la cause, elle trouvait des moyens de se faire entendre et ses stratégies ne manquaient pas d’originalité. Elle était bien connue de la scène politique, réputation qu’elle a su utiliser à bon escient.
En 1945, sous le gouvernement de Mackenzie King, Thérèse Casgrain s’oppose à ce que les nouvelles allocations familiales soient destinées aux pères de famille au Québec alors que ce sont les mères de famille qui recevaient ces montants ailleurs au Canada. Lorsqu’une cause lui tenait à cœur, elle savait toujours qui appeler et n’hésitait pas à le faire. Elle communique alors personnellement avec le premier ministre, qui connaissait sa réputation et qui savait qu’elle était en mesure de faire bouger les choses.
Celui-ci a donc rapidement revu le projet et les allocations familiales ont été aussi adressées aux femmes au Québec.
Thérèse Casgrain faisait également preuve d’une grande ouverture à l’opinion des autres. Elle aimait les débats et le partage d’idées. Comme le raconte Lise Casgrain, « on parlait de tout, il n’y avait pas de barrières. C’était aussi connu que lorsqu’elle recevait des gens, c’était toujours une surprise. C’était, à coup sûr, des soirées très intéressantes ». Elle a d’ailleurs déjà reçu à la même table Jean Cournoyer, ancien ministre du Travail au Québec, et Gilles Vigneault!
Bien qu’aujourd’hui on se souvienne principalement du rôle de Thérèse Casgrain pour les droits des femmes, Lise Casgrain précise que sa grand-mère s’est aussi battue pour les hommes, les familles, les mineurs, les conditions de vie des prisonniers, les conditions des travailleuses et travailleurs du textile, les mineurs d’Asbestos et la condition des aînés. Elle voulait faire évoluer la société québécoise et canadienne dans son ensemble et améliorer les conditions de vie de tous les citoyennes et citoyens.
Photo: Les cofondateurs d’Equitas – John P. Humphrey (à gauche); la militante pour les droits des femmes, Thérèse Casgrain (au centre); et « l’ambassadeur des personnes handicapées », le docteur Gustave Gingras (à droite)
C’est sans doute cet intérêt pour les droits humains qu’il l’a amenée à présider à trois reprises la Ligue des droits de l’homme et à cofonder la Fondation canadienne des droits de la personne en 1967 (maintenant connue sous le nom d’Equitas), aux côtés d’éminents universitaires et de militants sociaux tels que John Humphrey, coauteur de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, et le docteur Gustave Gingras, « ambassadeur des personnes handicapées ». Son implication n’avait pas de frontières. En 1961, elle fonde la division québécoise du mouvement La Voix des femmes dédié à la paix dans le monde. Elle participe aussi à l’organisation de l’aide aux victimes de la guerre du Vietnam.
Vers la fin de sa carrière, Thérèse Casgrain est nommée membre du Sénat du Canada en 1970, mais doit se retirer en 1971, à ses 75 ans. À un journaliste qui lui demandait lors de sa nomination au Sénat « qu’est-ce que vous comptez accomplir en 9 mois au Sénat? », elle lui répondit avec l’humour qu’on lui connaissait : « Jeune homme, vous seriez surpris d’apprendre ce qu’une femme peut faire en neuf mois! »*
Le lègue de Thérèse Casgrain, qui a poursuivi sans relâche son action sociale et politique jusqu’à son décès en 1981, se fait encore ressentir aujourd’hui. Ses accomplissements sont une source de motivation pour les plus jeunes générations qui continuent à se mobiliser pour la justice sociale et le droit des femmes, des familles et des personnes démunies. C’est un constat touchant pour sa petite-fille Lise Casgrain, qui affirme avec un brin d’émotion : « Pour moi, ma grand-mère est une inspiration. Nous, ses petits-enfants, chérissons que son œuvre soit vivante aujourd’hui ».
THÉRÈSE CASGRAIN ̶ Montréal, Canada
Initiatrice du mouvement pour le vote des femmes au Québec
Fondatrice de la Fédération des femmes du Québec
Cofondatrice et membre du conseil d’administration (1967-1981) de la Fondation canadienne des droits de la personne (aujourd’hui Equitas)
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Histoire racontée par Lise Casgrain, petite-fille de Thérèse Casgrain, et rédigée par Alex Chartrand, rédacteur stagiaire, Equitas.
* Anecdote rapportée par madame Jeanne Sauvé.http://www.fondationtheresecasgrain.org/documents/pdf/Biographie-Therese-Casgrain.pdf