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La jeunesse, moteur de changement social au Moyen-Orient et en Afrique du Nord

Original article published in the blog Un seul monde (Huffington Post) Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l’AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Frédéric Hareau, directeur des programmes chez Equitas – Centre international d’éducation aux droits humains. Le projet Mosharka (2012-2016) a été réalisé grâce à l’appui de l’Union européenne, de l’Organisation internationale de la Francophonie et de l’Ambassade du Canada en Jordanie. La jeunesse du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MOAN) a fait l’objet de nombreuses études au cours des dernières années. Et si les images véhiculées sont souvent contradictoires, tout le monde s’entend pour reconnaître que la jeunesse est une force qui influence fortement la réalité de la région et qu’on ne peut négliger. Une force démographique tout d’abord: les jeunes âgés de 15 à 29 ans composent plus du quart de la population dans chacun des pays de la région MOAN. Une force politique ensuite: à la surprise du monde entier, les jeunes, femmes et hommes, ont constitué l’avant-garde des mouvements qui ont bouleversé la région depuis 2011. Ils ont démontré leur pouvoir de renverser des régimes qu’on pensait indéboulonnables. Après 2011, on a amplement loué cette jeunesse porteuse d’espoir, symbole du renouveau, de ce «printemps arabe» synonyme de progrès démocratique, économique et social. Cinq années plus tard, la région se trouve confrontée à des conflits dévastateurs, à des mouvements radicaux et violents, à des déplacements massifs de populations, à la résurgence d’États autocratiques et à de profondes crises économiques et sociales. L’image des jeunes a bien changé: une source de déstabilisation, encline à la radicalisation, ou prête à tout pour s’expatrier. Des jeunes confrontés à de multiples défis Des millions de jeunes de la région MOAN sont directement affectés par les conflits et vivent dans des conditions d’extrême précarité. Mais c’est également l’immense majorité des jeunes de la région qui fait face à des défis de taille. D’un point de vue économique, le taux de chômage parmi les jeunes de la région reste le plus élevé du monde (atteignant par exemple 51% en Libye, dont 68% pour les jeunes filles) et la croissance ne bénéficie pas aux jeunes. Selon l’OCDE, «l’absence d’un cadre de croissance inclusif a laissé les jeunes hommes et femmes à la marge de la société, confrontés à un accès restreint à une sécurité sociale et à une mauvaise qualité des services publics». Cette exclusion économique est étroitement liée à une exclusion des processus de prise de décision, la voix des jeunes restant très largement ignorée. Toujours selon l’OCDE, il est nécessaire de réajuster les cadres de gouvernance afin que les jeunes aient un rôle plus important dans l’articulation des politiques. Leur absence des sphères de décision et de la société civile réduit leur sentiment d’appartenance à leur communauté, conduit à leur marginalisation et augmente les risques de radicalisation. Il convient toutefois d’éviter une généralisation qui voudrait que tous les jeunes se radicalisent. Comme mentionné par les jeunes de Young Arab Voices: «il y a 100 millions de jeunes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord qui ont résisté à l’attrait de devenir moudjahidin». Aujourd’hui, force est de constater que les espoirs et les revendications des mouvements de 2011 – dignité, liberté, justice sociale et emploi – restent à ce jour en grande partie lettre morte. Une jeunesse profondément engagée en dépit des obstacles Les images projetées par les médias sont loin de refléter la complexe réalité des jeunes de la région et occultent les luttes quotidiennes d’innombrables jeunes femmes et hommes pour bâtir des sociétés plus justes. À cet égard, les 1 700 jeunes d’Égypte, de Jordanie, du Maroc, de Tunisie et du Yémen avec qui Equitas et ses partenaires ont collaboré pour le projet Mosharka n’ont ménagé aucun effort pour réduire les inégalités et trouver des solutions aux problèmes qui minent leurs communautés.

Participante du projet Mosharka, 2016 © Youssef Shoufan

Les leçons apprises du projet ont été publiées dans un recueil, Participation des jeunes à la vie communautaire – Réalisation de projets de droits humains au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, parmi celles-ci : L’engagement des jeunes doit être centré sur leurs motivations et leurs forces. La connaissance des droits et l’intériorisation des valeurs des droits humains facilitent leur implication dans le processus de changement social et légitiment leur action auprès des acteurs étatiques. Les jeunes leaders du projet Mosharka ont décidé de s’engager sur des enjeux tels que l’exclusion des jeunes filles, le mariage précoce, la participation politique des jeunes, l’inclusion des personnes vivant avec un handicap, et les conflits ethniques. Les projets utilisant la vidéo, les technologies de l’information et les médias sociaux, ou encore le théâtre de rue leur ont permis de participer efficacement au développement communautaire. Bâtir le leadership et la confiance des jeunes constitue la colonne vertébrale d’une intervention. Le développement de compétences clés telles que la confiance, la réflexion critique, l’analyse d’enjeux liés aux droits humains, la planification, la négociation, et la gestion financière s’avère essentiel à leur implication citoyenne. L’utilisation d’une approche participative basée sur les droits humains a permis aux organisations et aux jeunes intervenants d’engager les jeunes marginalisés, des jeunes dont les droits sont souvent bafoués. Cette stratégie se révèle très pertinente pour se rapprocher des jeunes exclus afin de bien comprendre leurs attentes, valoriser leur vécu, travailler efficacement avec eux et dépasser les divisions ethniques, religieuses, socioéconomiques ou fondées sur le genre en rassemblant des groupes divisés. Si l’engagement de nombreux jeunes est source d’espoir, un des défis majeurs dans la région MOAN reste de créer des espaces de dialogue entre les instances gouvernementales et les jeunes. La culture des droits humains et du dialogue, et les espaces dans lesquels celle-ci s’exprimera restent à bâtir. Il s’agit d’un des enjeux majeurs qui influencera l’avenir de la région. Unir nos forces à ce niveau n’est pas seulement souhaitable, c’est impératif.

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