FRANÇOIS CRÉPEAU – MONTRÉAL, CANADA
Cette histoire fait partie de la série Nous sommes le changement en droits humains pour célébrer le 50e anniversaire d’Equitas (#Equitas50) . Tout au long de l’année 2017, découvrez les histoires de 50 défenseur-e-s des droits humains. Ce ne sont là que quelques leaders parmi des centaines qui, avec l’appui d’Equitas, changent des vies à travers le monde par l’éducation aux droits humains.
« Je suis convaincu que l’ouverture des frontières aux migrants, c’est la seule voie pour l’avenir, que les politiques de fermeture ne font qu’exacerber la situation. »
Dans une ère où les mouvements politiques xénophobes gagnent en popularité, il s’avère de plus en plus important de sensibiliser la population aux droits des migrants et de s’assurer que ceux-ci ne sont pas invisibles, comme c’est malheureusement trop souvent le cas. François Crépeau fait partie de ceux qui tentent d’amplifier les voix des populations migrantes, d’abord à titre de professeur et chercheur, puis comme Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants depuis 2011.
C’est par hasard qu’il a commencé à s’intéresser aux droits des migrants. En France pour ses études supérieures en droit, il a collaboré avec un centre de recherche qui lui proposait à l’époque, parmi un nombre limité de sujets de recherche, la santé mentale ou la migration. Sans trop réfléchir, il a choisi la migration et avoue, en riant, n’avoir jamais pu le quitter depuis!
En jetant un œil à son curriculum vitae, on ne peut que constater sa longue expérience et son intérêt grandissant pour les questions migratoires. Après onze ans comme professeur à l’UQAM, il devient, de 2001 à 2008, professeur à l’Université de Montréal, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en droit international des migrations et directeur scientifique fondateur du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM). Jusqu’en 2011, il est membre des comités sur les droits de la personne et sur la citoyenneté et l’immigration du Barreau du Québec et membre de la Commission canadienne pour l’UNESCO. Depuis 2009, il est professeur et titulaire de la Chaire Hans et Tamar Oppenheimer en droit international public. Il est aussi, depuis 2015, directeur du Centre sur les droits de la personne et du pluralisme juridique à la Faculté de droit de l’Université McGill.
Une question revient constamment au cours de sa carrière : comment protéger les droits des migrants alors que ceux-ci n’ont pas de poids politique? Les travailleurs migrants ou encore les réfugiés politiques n’ont en effet pas le droit de vote et donc aucun pouvoir électoral auprès des décideurs politiques. Leurs intérêts et leurs revendications sont souvent délaissés, au profit de la majorité disposant de ce pouvoir. « Les politiciens dans notre système de démocratie fonctionnent à l’incitatif électoral. Le politicien écoute les citoyens, veut être réélu, donc va faire ce qu’ils souhaitent. Les migrants, les demandeurs d’asile, les réfugiés ne votent pas. Il n’y a aucun intérêt sur la scène politique à faire quoi que ce soit en faveur des migrants ». C’est d’ailleurs pour gagner en capital électoral et politique que de nombreux dirigeants adoptent des politiques anti-migratoires et prononcent des discours xénophobes, une tendance particulièrement effrayante en Europe.
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François déplore aussi les stéréotypes auxquels sont confrontées les populations migrantes. Qui n’a pas déjà entendu l’idée selon laquelle les travailleurs migrants « voleraient » les emplois des populations dites « nationales »? Pourtant, cela est complètement faux. Les travailleurs migrants occupent des emplois que la majorité de la population ne voudrait pas occuper, considérant les dures conditions de travail et le maigre salaire, qui s’approchent souvent de l’exploitation.
Remettre en question le système politique actuel, les stéréotypes et les idées préconçues… On reconnaît bien le chercheur en François. En lui parlant, sa passion pour les droits des migrants et les droits humains en général est une évidence, une passion qui remonte à loin et qui est quasiment inscrite dans ses gènes! Son père, Paul-André Crépeau, lui aussi professeur de droit à l’Université McGill, était l’un des cofondateurs d’Equitas ‒ autrefois connu sous le nom de Fondation canadienne des droits de la personne ‒ aux côtés de John Humphrey et de Thérèse Casgrain.
François fut vice-président d’Equitas de 1992 à 2004 et a pris part à un changement d’orientation de l’organisme. Il a entre autres contribué au développement du programme régional sur les droits des travailleurs migrants en Asie (1997-2004) et à la révision de la méthode pédagogique employée dans le cadre du Programme international de formation aux droits humains (PIFDH). Il s’agissait d’abord d’une formation s’adressant aux étudiants en droit pour les familiariser avec les droits de la personne, sujet qui n’était pas aussi accessible à l’université. Dans les années 1990, plusieurs universités ont commencé à offrir des cours sur le sujet et viser les étudiants canadiens au PIFDH n’était plus aussi pertinent. C’est pourquoi la formule a été revue et le PIFDH est maintenant offert aux membres de la société civile œuvrant pour les droits humains dans divers pays. Le PIFDH est sans aucun doute devenu depuis le programme phare d’Equitas et contribue en grande partie à l’excellente réputation dont l’organisation jouit aujourd’hui.
Aujourd’hui, François continue son travail de sensibilisation aux droits des migrants à titre de Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants depuis 2011. Il a visité plusieurs pays, comme l’Australie, la Turquie et la Grèce afin d’analyser la situation aux frontières en ce qui concerne les flux migratoires. Il s’est aussi intéressé à la migration de travail dans les pays du Golfe et aux droits des travailleurs migrants temporaires.
À titre de Rapporteur spécial, François n’hésite pas à remettre en question les prises de position de certains décideurs politiques. C’est d’ailleurs ce qu’il a fait en adressant deux de ses rapports à l’Union européenne, rapports dans lesquels il affirme que l’Europe ne devrait pas fermer ses frontières aux migrants, et qu’elle devrait, bien au contraire, les ouvrir en s’assurant d’avoir les outils nécessaires pour gouverner les mouvements migratoires.
« On a créé dans l’imaginaire collectif de l’électorat cette idée que l’immigration, c’est comme un robinet, qu’une frontière ça s’ouvre ou ça se ferme. Mais ce n’est pas vrai. »
FRANÇOIS CRÉPEAU – Montréal, Canada
Directeur Centre sur les droits de la personne et le pluralisme juridique, McGill
Ancien Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants, Canada
Vice-président d’Equitas, 1992-2004
Histoire r édigé e par Alex Chartrand, rédacteur stagiaire, Equitas .
Le Programme international de formation aux droits humains d’Equitas est en partie réalisé grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.
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