GEORGE MWAI GICHUKI – Kenya
Cette histoire fait partie de la série Nous sommes le changement en droits humains pour célébrer le 50e anniversaire d’Equitas (#Equitas50). Tout au long de l’année 2017, découvrez les histoires de 50 défenseur-e-s des droits humains. Ce ne sont là que quelques leaders parmi des centaines qui, avec l’appui d’Equitas, changent des vies à travers le monde par l’éducation aux droits humains.
Le chemin vers l’indépendance du Kenya a commencé par la révolte des Mau Mau dans les années 1950. En 1952, les dirigeants du Kenya ont déclaré l’état d’urgence et ont arrêté de nombreux « rebelles » indépendantistes du Kenya. Les dirigeants coloniaux ont réagi de manière brutale par des massacres et en transférant de familles entières des rebelles présumés vers des camps de concentration.
Le grand-père de George Gichuki faisait partie des nombreuses personnes assassinées, laissant ainsi sa grand-mère en deuil en plus de l’obliger de quitter son domicile. Enfant, George écoutait ses histoires et se souvenait surtout de se sentir désolé pour la perte de sa grand-mère. Mais c’est cette difficile route vers l’indépendance du Kenya et la perte de son grand-père qui ont alimenté la passion de George pour les droits humains. À l’âge de 25 ans, les histoires de sa grand-mère avaient pris un tout autre sens. Il a alors compris que les luttes de son grand-père étaient pour la liberté et pour regagner le respect et la dignité pour tous les Kenyans.
Plusieurs Kenyans demandent réparation ou dédommagement. George croit plutôt que la lutte porte sur des questions plus profondes liées aux droits humains.
Dans le cadre de ses études en agriculture au Bukura Agricultural College, George a développé de solides compétences en communication pour travailler avec les communautés. Il a d’abord mis en pratique ses compétences en travaillant avec des enfants, puis avec des individus emprisonnés. En 2008, il a participé à la première des cinq formations d’Equitas qu’il a suivies au cours des dernières années, où il a appris à adopter une approche participative de l’éducation aux droits humains.
Cette approche a tout changé pour lui.
Aujourd’hui, il est chargé de programme et responsable d’une organisation subventionnaire appelée UHAI EASHRI , une initiative pour les droits et la santé sexuelle en Afrique de l’Est. La mission de l’UHAI EASHRI est d’appuyer la lutte pour l’égalité, la justice et la dignité pour les travailleurs du sexe en Afrique ainsi que pour les minorités sexuelles et de genre.
Il y a une tendance émergente dans le système législatif en Afrique de l’Est à davantage criminaliser l’homosexualité et le travail sexuel. Plusieurs groupes anti-homosexuels et fondamentalistes religieux s’opposent aux travailleuses du sexe et groupes de défense des droits des personnes LGBTQI (lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer et intersexuées).
« En Ouganda, le président a déclaré qu’[être] homosexuel était une condition médicale et il a mis sur pied une commission de médecins pour en juger », explique George. La commission a ensuite soutenu la fausse déclaration du président. En février 2015, on a rapporté un cas où un examen anal forcé a été mené sur deux hommes qui ont été arrêtés pour « infractions contre la nature ».
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Au Kenya, le fait d’aborder les droits humains par la confrontation s’avère contre-productif. C’est là qu’a été fort utile la formation qu’a suivie George auprès d’Equitas. « J’ai adopté des façons plus subtiles d’introduire des enjeux liés à la diversité lors de discussions », explique George. En employant les compétences en communication participative acquises en 2008 par le biais du Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas, à Montréal, au Canada, George a pu créer des ponts qui favorisent la compréhension et la tolérance tout en remettant en question les normes sociales.
« J’ai appris que, dans toutes nos luttes, lorsque les gens partagent leurs réalités et leurs vécus, une spirale d’apprentissage permet alors de changer les points de vue. »
Selon George, la formation offerte par Equitas est unique en ce qu’elle invite tous les participants à s’engager activement dans le processus d’apprentissage et à partager leurs expériences individuelles en classe. Cette approche participative fait de l’expérience collective l’élément central de l’apprentissage. « Pour moi, la différence est qu’on vous accorde une certaine valeur avant même de commencer la formation, puis pendant la formation, vos expériences deviennent utiles et, après avoir terminé la formation, vous participez à un processus d’évaluation pour identifier ce qui a fonctionné pour vous », affirme-t-il.
Lorsqu’il travaille avec des groupes communautaires, George emploie cette méthode pour contester le statu quo, encourageant ainsi la réflexion et le débat réfléchi.
La culture – ainsi que notre perception de la culture – joue un rôle important dans la manière dont les minorités sexuelles et de genre sont perçues. Bien que la constitution du Kenya ait changé en 2010 pour inclure l’égalité des sexes, la réalité est toute autre. La violence, le refus à des soins de santé, la perte d’emplois et l’expulsion des familles sont la norme. La discrimination est encore très répandue.
Si quelqu’un affirmait que « ce n’est pas comme ça que nous le faisons en raison de notre culture », George demandait alors à réfléchir « aux nombreuses choses que les femmes font aujourd’hui qu’elles ne faisaient pas auparavant pour des raisons culturelles. » Lentement, la plupart des participants admettaient que les rôles évoluent. Les participants ont alors des positions beaucoup plus nuancées — cela marquait le début d’une prise de conscience qui pourra ensuite évoluer au fil du temps.
« Si nous parvenons à changer les attitudes en vue d’une plus grande acceptation et reconnaissance des capacités d’une au-delà de son sexe ou de son genre, cela représentera un changement majeur pour notre pays. »
Il a un jour dirigé un groupe de professionnels d’une organisation panafricaine, qui s’intéressait particulièrement aux mouvements sociaux. Parmi les membres du groupe, on comptait des défenseurs des droits des personnes LGBTQI, des personnes du milieu des arts, des syndicats et d’autres défenseurs des droits humains. La majorité d’entre eux avait peu ou aucune expérience avec les membres de la communauté LGBTQI. Il y a donc eu une tension et un certain malaise.
« Nous avons eu des discussions et avons réfléchi à nos préjugés. Pour moi, un des succès de cet échange a été lorsqu’un membre du groupe, tout d’abord méfiant des défenseurs des droits des personnes LGBTQI, a reconnu que plusieurs de nos luttes étaient les mêmes. Le point culminant
de cette formation est venu plus tard lorsqu’un militant a organisé une manifestation publique contre la hausse des prix alimentaires. Il a alors invité l’un des militants LGBTQI à y participer. Je crois que c’était l’un de mes meilleurs moments! », raconte George.
Le rêve de George est de « développer une organisation de grande envergure dont le travail porte sur les droits humains en général, afin de retrouver la dignité et le respect, pas seulement pour un groupe en particulier, mais pour nous tous ». Les grands-parents de George seraient fiers.
GEORGE MWAI GICHUKI – Kenya
Chargé de programme à UHAI EASHRI
Ancien participant au Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas, 2008
Animateur, Programme des droits humains de l’Afrique de l’Est, 2009
Coach, Programme des droits humains de l’Afrique de l’Est, 2016
– Histoire rédigée par Deborah Kevin, Our Tales UnTold, www.OurTalesUnTold.com
Le Programme international de formation aux droits humains d’Equitas est en partie réalisé grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.
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