Mwanga Mastullaah Ashah, directrice générale et fondatrice de Islamic Women’s Initiative for Justice, Law & Peace (IWILAP), lutte depuis plusieurs années pour les droits des femmes musulmanes et pour améliorer l’accès à la justice des populations les plus vulnérables en Ouganda. L’IWILAP vise à remettre en cause les lois patriarcales et les traditions culturelles qui désavantagent les femmes afin de construire une société juste et équitable où les droits des femmes et des filles sont respectés et protégés.
Selon Ashah, « l’une des raisons pour lesquelles [elle] a fondé cette organisation est le fossé qui existe entre les droits des femmes en général et les droits des femmes musulmanes » – cette approche intersectionnelle des droits humains, qui met les droits des femmes, en particulier des femmes musulmanes, au premier plan, est au cœur de tous les travaux de l’IWILAP.
Plaidoyer et éducation : Contrer les préjugés et l’ignorance en utilisant les enseignements religieux
En tant qu’ancienne participante du Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas et ambassadrice de discussion sur la Communauté Equitas, Ashah est une championne de l’utilisation de l’éducation aux droits humains (ÉDH) pour créer le changement. La Communauté Equitas est un espace en ligne où les défenseuses-seurs de droits humains peuvent partager des informations et bonnes pratiques sur leur travail d’éducation aux droits humains. En tant qu’ambassadrice de la discussion, Ashah lance des discussions basées sur les enjeux actuels et son travail pour faire circuler l’information. En Ouganda, L’IWILAP utilise l’éducation aux droits humains et le plaidoyer pour condamner les violations des droits des femmes musulmanes dans le pays. En utilisant des outils de plaidoyer tels que des notes de politiques, des interviews à la radio et à la télévision, ainsi que d’autres moyens pour sensibiliser la population sur des enjeux tels que la violence basée sur le genre et d’autres enjeux relatifs aux droits humains, l’IWILAP s’efforce de de promouvoir l’égalité de genre et le respect des droits des femmes musulmanes en identifiant comment les droits des femmes sont reconnus dans le Coran. Dans l’un de ses partages sur la communauté Equitas, Ashah déclarait qu’« Il n’y a rien dans la foi islamique qui diminue les femmes – c’est le pouvoir, la politique, et parfois une mauvaise application délibérée de la loi islamique ».
Ashah veut combattre le stéréotype que l’islam désavantage les femmes ou promeut la violation des droits des femmes. Selon elle, « ce qui est prévu dans la DUDH [Déclaration universelle des droits de l’homme], le PIDESC [Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels], le PIDCP [Pacte international relatif aux droits civils et politiques], le Protocole de Maputo [Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique] est également prévu dans le Coran ». Cependant, plusieurs personnes ont des réactions négatives lorsque les droits des femmes sont promus en utilisant le langage des instruments internationaux des droits humains qu’ils perçoivent de façon erronée comme « introduire une culture occidentalisée ». En utilisant le langage du Coran, elle réussit à rejoindre des personnes qui autrement, auraient été peu réceptifs à des appels au respect des droits des femmes et rend ainsi, son travail plus fructueux.
Éducation aux droits humains et activisme
Ashah utilise les outils qu’elle a développés après sa participation au PIFDH d’Equitas pour créer des changements dans son pays en préconisant des lois et des politiques qui donnent la priorité aux droits de la personne, plus particulièrement aux droits des femmes. Par exemple, l’une des menaces les plus graves pour la santé des femmes en Ouganda (avant la pandémie) est le taux élevé de mortalité maternelle. En réponse à cela, l’IWILAP a fait pression sur le Parlement ougandais afin que soient créés des politiques et des budgets qui soutiennent les droits des femmes en matière de santé sexuelle et reproductive. L’éducation aux droits humains a un effet multiplicateur – Ashah utilise les meilleures pratiques qu’elle a apprises durant le PIFDH pour transmettre ses connaissances sur les droits humains dans l’espoir de sensibiliser le plus de personnes possibles et de créer une société où les droits des femmes sont mis de l’avant.
Accès à la justice et violence basée sur le genre
Le travail d‘accès à la justice, de l’IWILAP, est fondé sur la reconnaissance du fait que c’est un enjeu où se mêlent les notions de genre, de religion et de classe sociale. Bien que de nombreux Ougandais ne puissent pas accéder aux services juridiques en raison de l’arriéré judiciaire et de l’absence d’un programme gouvernemental d’aide juridique, les femmes musulmanes sont souvent les plus marginalisées par le système judiciaire. En fournissant une assistance juridique gratuite, que ce soit pour une représentation en cour ou une représentation dans le cadre de modes alternatifs de résolution des conflits, l’IWILAP renforce la capacité des femmes à exercer leurs droits et réclamer justice.
La pandémie de COVID-19 a rendu plus difficile leurs projets d’accès à la justice, car la fermeture des tribunaux a entraîné encore plus d’arriérés dans un système déjà engorgé. Ashah décrit comment les survivantes de la violence basée sur le genre ont été défavorisées par les fermetures de tribunaux, car elles n’ont pas pu obtenir justice et réparation devant les tribunaux. Les femmes faisant face à de la violence venant de leur partenaire, ont été les plus durement touchées par la pandémie et les confinements qui en ont découlé : les femmes peuvent se retrouver coincées dans leur maison avec leur agresseur, elles ont moins de possibilités de se réfugier à mesure que les refuges ferment et, comme mentionné plus haut, elles ont peu de possibilités d’engager des poursuites contre leur agresseur.
Communauté en ligne d’Equitas : Partage des meilleures pratiques
En tant que membre de la communauté en ligne d’Equitas, Ashah souligne l’importance du partage d’information sur cet espace en ligne et des échanges de bonnes pratiques avec d’autres défenseuses-seurs de droits humains. Les défenseuses-seurs des droits humains du monde entier sont souvent confrontés à des problèmes similaires et font un travail similaire, illustre Ashah:
« En Ouganda, je fais du travail sur la violence basée sur le genre, quelqu’un en Indonésie pourrait aussi faire du travail sur la violence basée sur le genre, mais peut-être qu’ils font du plaidoyer d’une manière différente. S’il ou elle partage sur la communauté Equitas, alors peut-être que j’en tirerai une meilleure leçon et… que je ramènerai cette expérience en Ouganda ».
Il reste encore beaucoup de travail à faire en Ouganda et dans le reste du monde pour éliminer les violences faites aux femmes et lutter contre les préjugés qui les maintiennent dans une position de servitude. Comme Ashah et les autres éducatrices-teurs aux droits humains présents sur la communauté Equitas l’ont bien compris, l’éducation aux droits humains est l’une des premières étapes pour atteindre cet objectif et obtenir des résultats durables.