BERTHE TATEY – Togo
Cette histoire fait partie de la série Nous sommes le changement en droits humains pour célébrer le 50e anniversaire d’Equitas (#Equitas50). Tout au long de l’année 2017, découvrez les histoires de 50 défenseur-e-s des droits humains. Ce ne sont là que quelques leaders parmi des centaines qui, avec l’appui d’Equitas, changent des vies à travers le monde par l’éducation aux droits humains.
Dès l’enfance, Berthe Tatey avait d’importantes responsabilités à la maison. Les travaux domestiques et ses obligations familiales l’empêchaient de faire ses devoirs. Elle a ainsi rapidement pris conscience des barrières qui nuisent au plein développement des femmes togolaises. Sa ferme volonté d’apprendre l’a tout de même menée des études primaires aux études secondaires, puis universitaires. Berthe, spécialiste en éducation et en sociologie, a décidé de dévouer sa vie à la formation des jeunes et des femmes sur l’égalité des sexes et la santé féminine, des sujets qui la passionnent.
Il y a 20 ans, en 1997, elle forme, avec un petit groupe de femmes, une association qui œuvre pour la santé des femmes togolaises par des formations et l’apprentissage mutuel. Cette association permet de rassembler les femmes togolaises afin d’échanger sur ce qui les préoccupe, tout en faisant du sport dans un esprit de collégialité. « Il y eut un réel engouement pour le projet et nous avons senti qu’on devait aller vers les femmes, les former sur leurs droits, leur donner les capacités de se développer dans un environnement sécuritaire ». C’est ainsi que l’organisation non gouvernementale Alafia est née, et Berthe agit comme directrice exécutive depuis. « J’ai commencé à me promener dans ma région natale, à sensibiliser les gens sur les thèmes de l’éducation des enfants, de l’importance des pièces d’identité, du mariage civil et ses effets ».
Lors de ses voyages dans les régions plus éloignées, Berthe s’est heurtée à des pratiques traditionnelles qui désavantagent les femmes et qui sont potentiellement dangereuses pour leur santé. Par exemple, « lorsque le mari décède, des coutumes veulent que la femme redevienne un bien de la belle-famille. Elle peut être remariée de force au frère du défunt, elle ne peut s’y opposer. Quand le mari décède, on considère que c’est une malédiction et sa femme doit prouver son innocence quant aux raisons ayant causé la mort de l’époux. »
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Les cérémonies entourant le deuil peuvent également mettre les femmes en danger. Dans certaines régions, la mort du mari représente une malédiction et on « purifie » alors les épouses. Elles peuvent être enfermées dans une petite pièce avec un feu de bois où elles suffoquent parfois jusqu’à la mort. De plus, les cérémonies de veuvage peuvent durer des mois et amenuisent les économies des femmes et de leur famille.
Par ailleurs, plusieurs lois ancestrales s’opposent au code national de la famille, le Nouveau code des personnes et de la famille, qui oblige l’inclusion des femmes dans l’héritage ; dans les régions rurales plus éloignées, certaines ne reçoivent rien.
Pour Berthe, le changement passe nécessairement par l’éducation.
En 2010, elle participe au Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas à Montréal, au Canada, dans le but de développer de nouvelles techniques pédagogiques et de se former à l’approche basée sur les droits humains. Depuis, deux autres membres de l’équipe d’Alafia se sont déplacés au Canada afin de se familiariser avec l’éducation aux droits humains et de ramener leurs connaissances aux différentes communautés du Togo.
Dans le but de revisiter les pratiques traditionnelles qui nuisent à l’égalité entre les hommes et les femmes, l’ONG Alafia mise aujourd’hui sur le dialogue avec les chefferies traditionnelles.
« L’organisation de séances d’information entre les chefs traditionnels et les femmes les pousse à parler, à donner leur opinion, à prendre conscience des injustices. Les femmes retrouvent peu à peu leurs droits, et cela, en améliorant les pratiques traditionnelles ».
Grâce à Berthe et aux nombreuses séances d’information, les veuves aujourd’hui n’acceptent plus les traitements jadis réservés aux femmes en deuil.
« Equitas m’a donné la motivation afin de continuer à lutter pour les droits des femmes. Pour moi, l’éducation des femmes est essentielle. Quand les jeunes filles ne connaissent pas leurs droits, elles sont manipulées par leur famille et cela les oblige à rester enfermées dans un rôle inférieur à celui de l’homme. Le mariage ne doit plus être une suprématie, mais bien une collaboration. »
Selon Berthe, la peur a longtemps empêché les femmes togolaises à lutter pour leurs droits. Aujourd’hui, cette peur fait peu à peu place à une prise de conscience de leurs droits et capacités de changement et on observe une implication des femmes dans diverses sphères de la société togolaise. « Actuellement, nous prenons conscience collectivement de nos droits. Nous avons de jeunes filles maintenant leaders, qui s’investissent en politique et influencent d’autres à s’impliquer à le faire à travers les universités. Les femmes doivent faire partie du changement pour une société meilleure. »
BERTHE TATEY – Togo
Directrice générale de l’ONG Alafia , Togo
Participante au Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas , 2010
Histoire r édigé e par Paule Portugais-Poirier, rédactrice stagiaire, Equitas.
Le Programme international de formation aux droits humains d’Equitas est en partie réalisé grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.
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