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Programme sur la Citoyenneté Engagée : une contribution des organisations haïtiennes de droits humains à la reconstruction d’Haiti

Article original publié sur le site de Coordonation Europe-Haiti ici

Depuis l’année 2010, une vingtaine d’organisations haïtiennes de droits humains ont initié dans le pays un programme de promotion de la citoyenneté engagée. L’idée d’un tel programme est née après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 qui avait détruit une bonne partie de la capitale haïtienne et environs et qui avait fait des milliers de morts, de blessés et détruit de nombreux bâtiments. A cette époque où l’on parlait beaucoup de reconstruction d’Haiti, des défenseurs de droits humains avaient soutenu l’idée de refaire le pays sur d’autres bases, en promouvant de nouvelles valeurs qui cassent la dynamique d’exclusion qui a toujours caractérisé les rapports sociaux en Haiti et qui, selon elles, est à la base de la catastrophe vécue lors du séisme.

Avec l’appui de l’organisation canadienne d’éducation en droits humains, Equitas, les personnes et institutions qui ont initié le mouvement ont construit un outil de travail : la trousse pédagogique intitulée « JE M’ENGAGE, ENSEMBLE NOUS BATISSONS ». Cette trousse contient un ensemble d’outils, de contenus que des animateurs et animatrices peuvent utiliser pour encourager leurs communautés à se mettre ensemble pour prendre en main leurs destins.

La trousse utilise une méthodologie en spirale qui part de l’individu qui met ses connaissances, expériences et capacités avec d’autres membres de la communauté pour réfléchir sur des problèmes communs, pour rechercher ensemble des solutions et pour agir au bénéfice de la collectivité. Le processus se termine toujours par une action collective pour changer une situation identifiée comme un problème qui affecte la communauté. La trousse fait la promotion de l’approche des droits humains et de l’approche participative. Les initiateurs de ce mouvement ont identifié l’exclusion, la discrimination comme deux problèmes majeurs qui empêchent la société haïtienne d’avancer. L’inclusion, la participation, le respect, la justice, la solidarité, la collaboration et la non discrimination sont les principales valeurs qu’ils ont choisies de promouvoir dans cet effort de construction d’une nouvelle société respectueuse des droits de tous et de toutes.

L’élaboration de la trousse représentait la première phase du programme. La deuxième phase consistait à former des accompagnateurs et accompagnatrices à l’utilisation de la trousse pour promouvoir la citoyenneté engagée en Haiti. La 3ème phase c’est la mobilisation communautaire et le dialogue avec les autorités en vue d’aboutir à des changements durables au sein de la communauté. En 2016, le programme a déjà formé 17 personnes comme coaches, 155 accompagnateurs et accompagnatrices. Elle a réalisé 5 sessions nationales de formation sur la trousse, 3 forums communautaires, un forum intercommunautaire et un dialogue national avec des autorités nationales et locales les 13 et 14 mai 2016. Environ 1600 leaders communautaires ont déjà pris part aux activités de la trousse à travers des initiatives organisées par les accompagnateurs et accompagnatrices.

Les premiers thèmes sur lesquels les partenaires du programme ont travaillé dans les forums communautaires concernent la participation des femmes, l’inclusion des personnes vivant avec un handicap ainsi que les personnes LGBTI et la non-violence à l’égard des enfants. Une recherche nationale suivie d’un approfondissement des résultats dans quatre communautés ont permis d’élaborer un document pour un premier dialogue avec les autorités. D’autres dialogues sont prévus dans d’autres communautés autour de thèmes de préoccupation conjointes ainsi que des actions de plaidoyer auprès des autorités sur ces sujets.

Ce programme commence à changer en profondeur la manière dont les organisations de droits humains travaillaient dans le temps. Non seulement il leur offre un outil commun de travail qu’elles peuvent adapter à différentes situations, mais aussi la possibilité de travailler ensemble, de dialoguer avec d’autres acteurs et de chercher de manière participative des stratégies pour aborder des problèmes communs. Il a permis d’observer des débuts de changements dans les relations au sein des organisations et des communautés. Dans les zones pilotes d’expérimentation du programme, désormais, les gens font plus attention à la participation des groupes longtemps marginalisés, tels que les personnes vivant avec un handicap. Par exemple, à La Victoire, une commune dans le Nord d’Haiti, les gens ont défini des stratégies pour s’assurer de la présence et de la participation de ces personnes dans tout ce qui se fait et ils prennent en compte leurs opinions et propositions. Les personnes LGBTI sont de plus en plus acceptées ; la discrimination et la violence à leur égard ne sont pas acceptées. Des parents sensibilisés sur le problème de violence contre les enfants, notamment sur les bastonnades à l’école, se sont engagés à monter des comités de suivi d’une loi interdisant ces genres de pratiques. Certaines communautés sont parvenues à se mobiliser pour mener des actions communes ponctuelles comme par exemple nettoyer une place publique ou un marché. Mais ce que vise le programme, c’est la durabilité de ces actions qui doivent au bout du compte changer de manière irréversible des situations et comportements non désirés.

Même s’il a bénéficié de l’appui méthodologique d’une organisation étrangère spécialisée en éducation en droits humains, le Programme de Citoyenneté engagée est un produit purement haïtien qui a été conçu par des haïtiens et haïtiennes pour répondre à un besoin réel du pays après le tremblement de terre : celui de reconstruire sur de nouvelles bases, en s’appuyant sur de nouvelles valeurs et en recherchant la participation de tous les groupes, spécialement ceux pendant longtemps marginalisés. La réalisation de ce programme a bénéficié du support financier de plusieurs organisations dont entre autres la coopération canadienne (Affaires mondiales Canada), Christian Aid, AJWS et a été coordonné en Haiti par le GARR (Groupe d’Appui aux Rapatriés et aux Réfugiés). Présentement (2016), les partenaires réfléchissent à une structure pouvant aider à maintenir l’initiative de manière permanente en l’étendant à de nombreuses organisations et communautés du pays.

— Par Colette Lespinasse, coach du programme Citoyenneté Engagée, Haiti

Article original publié sur le site de Coordonation Eruope-Haiti ici