ALA’A JARBAN — Yémen / Canada
Cette histoire fait partie de la série Nous sommes le changement en droits humains pour célébrer le 50e anniversaire d’Equitas (#Equitas50) . Tout au long de l’année 2017, découvrez les histoires de 50 défenseur-e-s des droits humains. Ce ne sont là que quelques leaders parmi des centaines qui, avec l’appui d’Equitas, changent des vies à travers le monde par l’éducation aux droits humains.
Alors que j’éprouvais des difficultés à prononcer son nom, Ala’a Jarban, le jeune homme studieux que j’ai interviewé, a souri et a dit, «vous pouvez m’appeler AJ, comme tout le monde». J’avais lu plusieurs articles sur lui et sa vie dans son pays natal, le Yémen, duquel il s’est senti contraint de demander asile au Canada.
Qu’est-ce qui l’a conduit à être passionné par les droits humains? AJ a grandi en se sentant différent, comme un étranger. Sa peau était plus sombre que la plupart des Yéménites, car sa famille était d’origine éthiopienne. Ses trois sœurs et lui se sont vite rendu compte des injustices et des restrictions imposées par la société yéménite. Sa sœur aînée a commencé à travailler pour les Nations Unies et il a ainsi eu l’occasion d’en apprendre davantage sur les droits humains. Il a lu plusieurs livres sur le sujet et s’est demandé ce qu’il pourrait faire pour contribuer au changement social dans son pays.
AJ a commencé à entretenir un blogue alors qu’il était étudiant à l’Université de Sana’a dans la capitale du Yémen. Il a rapidement compris qu’un blogue pouvait avoir un effet important autant sur le lecteur que sur l’auteur lui-même. Si la vie était alors difficile pour les étudiants—car les emplois étaient rares—AJ a su trouver du travail grâce à sa connaissance de l’anglais. Lorsqu’il rédigeait des textes pour son blogue, AJ préférait d’ailleurs le faire en anglais plutôt qu’en arabe.
Le contexte politique au Yémen a conduit AJ et ses collègues étudiants à vouloir un gouvernement plus démocratique—ils ont passé leur vie entière sous le règne d’un président au pouvoir durant 33 ans. Ils ont alors commencé à discuter du besoin de changement. Les étudiants se tenaient informés des nouvelles dans le monde grâce à Internet. AJ entretenait aussi des liens avec de nombreux groupes de défense des droits humains et des organisations internationales, dont les Nations Unies et Equitas, à Montréal au Canada. Il suivait également de près les mouvements sociaux d’autres pays du Moyen-Orient. Les médias sociaux étaient très populaires et AJ a su saisir cette occasion pour promouvoir un Yémen plus juste et un monde meilleur.
« Je me suis rendu compte que mon désir de changement pouvait se réaliser, que nous pourrions effectivement avoir une influence… Nous avons pris conscience que des groupes pouvaient changer leur pays ».
AJ a alors commencé à dénoncer des injustices et à publier des articles sur les droits humains à chaque semaine, sur son blogue et sur Facebook. D’autres étudiants se sont joints à lui pour faire entendre leur voix.
À ce moment, lors d’un Dialogue national rassemblant des groupes de défenseurs des droits humains et des représentants du gouvernement, l’idée de rédiger une nouvelle constitution pour le Yémen s’est présentée. Un certain nombre de défenseurs ont évoqué les droits des personnes LGBTQI (lesbiennes, gaies, bisexuelles, transgenres, queer et intersexuées) au Yémen, l’un des dix pays où l’homosexualité est passible de la peine de mort. Les discussions entourant les droits des personnes LGBTQI ne se sont toutefois pas bien déroulées, malgré la présence de groupes de défense des droits humains. Frustré, AJ décide d’écrire un billet de blogue sur la question, annonçant que lui aussi était membre de cette communauté minoritaire. Son billet étant rédigé en anglais, il fait peu de vagues mais certains de ses lecteurs lui envoient des mots d’encouragement.En 2013, AJ se rend à Montréal pour participer au Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas. Pendant son séjour au Canada, son article défendant les droits des personnes LGBTQI devient viral.
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Il s’en est alors suivi un déferlement de haine. Le billet d’AJ a été traduit en arabe en utilisant des phrases provocatrices et il reçoit plusieurs menaces de mort.
D’autres jeunes ont toutefois soutenu AJ en publiant leurs propres histoires anonymement sur son blogue. Le fait de rendre publique plusieurs histoires a mis en lumière l’importance de l’enjeu et du besoin de changement. Certaines familles ont commencé à aborder le sujet d’une autre manière. Il ne s’agissait plus simplement d’un « phénomène occidental » qu’on pouvait nier.
Mais le changement durable est un travail de longue haleine.
AJ a demandé l’asile alors qu’il était encore à Montréal. Les menaces de mort ne cessaient de se multiplier. Il est accepté comme réfugié dans les mois qui suivent, et n’a donc jamais pu rentrer au Yémen depuis. À l’heure actuelle, il effectue de nouveau ses études de premier cycle au Canada et il poursuit, en collaboration avec Equitas, son travail de sensibilisation aux droits humains, notamment les droits des réfugiés et les droits des personnes LGBTQI au Yémen et dans le monde.
Quant à l’avenir de son pays, AJ nous dit : « Je crois que l’éducation aux droits humains est un excellent outil auquel la société civile au Yémen peut avoir recours pour sensibiliser la population et échanger sur les droits des minorités. Bien sûr, il est dangereux pour les personnes LGBTQI de faire ce type de travail et plusieurs le font donc anonymement ».
Bien que le Yémen connaisse une guerre civile, AJ affirme qu’il y a des alliés importants au Yémen avec des centaines — voire des milliers — de membres de la société civile qui travaillent encore pour assurer l’égalité pour tous. Et le soutien financier d’organisations à travers le monde auprès d’organisations de la société civile au Yémen les aide à faire un travail qui est essentiel et remarquable.
Histoire aussi disponible en arabe >>
ALA’A JARBAN — Yémen / Canada
Blogueur
Participant au Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas, 2013
Conférencier lors du 10e Gala pour les droits humains d’Equitas, 2016
Histoire rédigée par Judith A. McDowell, Piper Legacy Press. www.piperlegacypress.com
Directrice marketing de l’Association of Personal Historians
Le Programme international de formation aux droits humains d’Equitas est en partie réalisé grâce au soutien financier du gouvernement du Canada par l’entremise d’Affaires mondiales Canada.
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