Montréal – Bien avant la guerre civile, la Syrie était un État régulièrement dénoncé par les défenseurs des droits humains et la communauté internationale pour son non respect des droits humains. Aujourd’hui, la situation n’est guère meilleure. La guerre a déjà fait plus de 90 000 morts (selon l’ONU) et depuis le début du conflit en mars 2011, la violation des droits humains s’est aggravée : torture dans les centres de détention, viols des femmes, jugements non équitables, exactions sommaires et la liste des atrocités est bien plus longue.
La majorité des défenseurs des droits humains, qui travaillaient jadis en secret, parlent à présent publiquement. D’autres, ceux qui n’ont pas pu fuir la Syrie, préfèrent garder l’anonymat et travaillent en cachette. Mais tous sont d’accord pour dire qu’il est grand temps de propager la culture des droits humains en Syrie.
Massoud Akko est un journaliste et défenseur des droits humains depuis plus de 10 ans. Il est à la tête du comité des libertés au sein de l’Association des Journalistes Syriens. En 2004, il est arrêté par les autorités syriennes. Son crime? La dénonciation des violences faites à la communauté Kurde de la part du régime en place qui, en 2004, entrainaient plus de 30 morts. Cette année là, Massoud fait tomber le masque de l’anonymat et décide de dénoncer ces violences publiquement. Une décision qui lui a valu cher. À sa remise en liberté, il quitte la Syrie pour le Liban, la Turquie puis la Norvège où il est actuellement refugié.
Sally (je l’appellerai ainsi pour protéger son anonymat), elle, vit toujours en Syrie. Et pour des raisons de sécurité, je ne donnerai pas plus d’informations sur son identité. Sally vit dans la peur. « Même les enfants jouent aujourd’hui à la guerre. C’est malheureux » me confie-t-elle.
Mais Massoud et Sally ne croisent pas les bras face à cette situation. Ils préparent le terrain pour l’après guerre. « Dès la première session du Programme International de Formation aux Droits Humains (PIFDH) et la rencontre avec tous ces défenseurs des droits humains, je me suis rendu compte, que nous, Syriens, ne connaissons rien des droits humains! « S’exclame-t- elle. « Nous avons besoin de propager cette nouvelle culture à travers la population. C’est en commençant par là que nous pouvons reconstruire, j’espère bientôt, une Syrie démocratique » ajoute Sally.
« Avec le programme d’Equitas, je vais approfondir mes connaissances en droits humains et les utiliser lors des formations que je donne aux journalistes. De plus, je vais transmettre ces connaissances à mes confrères qui formeront d’autres personnes et ainsi de suite… » explique Massoud.
En Syrie, les violations des droits humains se font de la part du régime, certes, mais aussi de différents groupes affiliés à l’opposition. Massoud et Sally sont bien conscients que le mal arrive de tous les cotés. Ils ont alors décidé que leur rôle dans cette situation serait de rapporter toutes les violations et de préparer ainsi les preuves pour de futurs jugements devant des cours internationales ou nationales. C’est dans ce contexte que le programme d’Equitas est d’une grande utilité pour eux. Il leur permettra de comprendre les fondements des droits humains.
« J’espère qu’il y aura chaque année plus de participants de la Syrie à ce programme pour apprendre en profondeur les composantes des droits humains et revenir les implanter dans le pays» souligne Massoud.
Très dynamiques et pleins d’énergie pour apporter un changement positif à leur société en pleine guerre, ils sont surtout très émus en parlant de leur pays. Vers la fin de la discussion, je leur demande s’ils voudraient ajouter quelque chose avant de clôturer. Massoud et Sally me regardent, un moment de silence s’installe et l’émotion s’en prend à eux. Ils pensaient peut-être à tous les êtres chers qu’ils ont perdus. Pour ma part, je me rappelle de la guerre civile libanaise et, l’ayant vécue, j’essaye de comprendre leur état d’esprit. « La Syrie est tellement un beau pays… il n’en reste presque rien aujourd’hui… » finit par lâcher Massoud. Nous voulons vite commencer la reconstruction et en faire une république démocratique fondée sur les droits humains » ajoute-t- il. Mais aujourd’hui, Massoud et Sally ont un cri venant du cœur à la communauté internationale et à toutes les parties au conflit : « arrêtez la guerre! Et commençons la reconstruction! »
Par Nour Awaiss, Agente des communications à Equitas.
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