Depuis les 10 dernières années, Soinette Désir met tout en œuvre pour accroître la visibilité des femmes et des filles handicapées en Haïti et réclamer le respect de leurs droits fondamentaux, et ce par l’entremise de l’organisme sans but lucratif Union des femmes à mobilité réduite en Haïti .
Soinette Désir puise son inspiration dans son propre vécu. En effet, à l’âge de 11 ans, elle contracte la fièvre typhoïde qui la laisse lourdement handicapée d’une jambe. De retour à l’école, elle doit composer avec un environnement non adapté à sa condition et faire face à la discrimination de la part de ses camarades de classe. Elle se souvient à quel point les gens dans la rue la ridiculisaient. Malgré tout cela, Soinette ne se laisse pas abattre et décide plutôt de se servir de son vécu pour sensibiliser davantage à l’inaccessibilité et à la forte discrimination dont sont victimes les personnes handicapées en Haïti.
« Il y a la question de la surprotection exercée par la famille et la question de la violence à l’égard des femmes et des filles handicapées, explique Soinette. Ce n’est pas facile d’aller à l’école en Haïti. La plupart des écoles sont inaccessibles et si un parent doit accompagner sa fille handicapée à une école accessible qui se trouve dans une autre commune, c’est compliqué. Les parents hésitent à envoyer leurs filles dans une école située dans d’autres communes de peur qu’elles soient violées, car en Haïti il existe cette croyance selon laquelle coucher avec une femme ou une fille handicapée porte chance ! »
Afin de mesurer l’ampleur du problème, Soinette parle de ces trois femmes malentendantes assassinées en 2009, parce qu’elles étaient soupçonnées de sorcellerie du fait qu’elles communiquaient par signes. Ces terribles réalités ainsi que sa vie en tant que personne handicapée expliquent pourquoi elle fait ce qu’elle fait.
Selon Soinette, les données concernant les femmes et les filles handicapées en Haïti sont inexactes, ce qui signifie qu’il est impossible de mesurer l’impact qu’a le manque d’accessibilité sur les personnes handicapées dans le pays. La Convention relative aux droits des personnes handicapées stipule que toutes les écoles doivent être accessibles aux personnes handicapées, et bien qu’Haïti ait ratifié cette convention en 2009, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le plaidoyer de Soinette en faveur des femmes et des filles handicapées est en grande partie axé sur l’application efficace de cette convention.
En 2016, Soinette a participé au Programme international de formation aux droits humains d’Equitas (PIFDH). Cette année, elle est de retour en tant que coanimatrice. Elle révèle que son acquis le plus précieux dans le cadre du PIFDH a été l’approche participative à l’éducation aux droits humains : placer les membres du groupe au centre de leur propre apprentissage.
« L’approche participative renforce la capacité des gens, affirme Soinette. Grâce aux expériences des autres, nous apprenons à revendiquer nos propres droits et à les exercer. »
Une journée dans la vie professionnelle de Soinette peut comporter des initiatives de sensibilisation via les médias, surtout à la radio, ou lors de visites dans des écoles qui sont accessibles. Actuellement, l’UFMORH travaille avec six écoles. Le principal groupe cible de Soinette est la nouvelle génération, car elle souhaite exposer les jeunes aux problèmes que vivent les femmes et les filles handicapées. Elle vise les jeunes en particulier parce que « beaucoup d’entre eux formeront un jour le gouvernement », dit-elle. Soinette a choisi de concentrer ses efforts sur les filles parce celles-ci « subissent une double discrimination, c’est-à-dire en tant que femmes d’abord, puis en tant que personne handicapée. »
Cette année, les participantes et participants au PIFDH ont beaucoup à apprendre des expériences de Soinette en tant qu’éducatrice en droits humains, et d’après l’aspect qu’elle préfère du programme, elle a beaucoup à apprendre d’eux. L’approche participative place les participantes et participants au centre de leur propre apprentissage, ce qui leur permet de découvrir bon nombre de problèmes liés aux droits humains grâce aux expériences des autres. La possibilité de discuter dans un espace sûr leur permet de constater dans quelle mesure ces problèmes touchent les gens. Elles et ils peuvent ensuite utiliser leurs nouveaux acquis et apporter de nouvelles perspectives dans leurs communautés respectives, une fois de retour au pays.