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Les droits humains, l’immigration clandestine et l’avenir des jeunes en Afrique de l’Ouest

25 septembre 2014 

Dans l’espoir d’une vie meilleure, des jeunes Sénégalais s’embarquent régulièrement dans des pirogues de misère pour un long périple devant les mener vers l’immigration clandestine, par-delà l’océan. L’Espagne est habituellement la porte d’entrée visée, d’où ils pourront rejoindre famille ou amis vivant en Europe.

Yayi Bayam Diouf explique que le phénomène de l’immigration clandestine est encore plus intense en banlieue, où la pauvreté anéantit tout espoir pour les jeunes.

Souvent, ces aventures tournent au cauchemar, et nombreux sont ceux et celles qui y perdront la vie : déshydratation, tempêtes et pirogues qui chavirent font partie des risques encourus par ces voyageurs téméraires. Ce fut le cas du fils de Yayi Bayam Diouf, une femme qui habite à Pikine, une banlieue défavorisée de Dakar, au Sénégal, où l’on vit principalement de la pêche. Yayi n’avait qu’un seul fils. Il était sa fierté. Ne trouvant pas sa place dans la communauté, il rêvait de succès européen. La nouvelle est rentrée comme un coup de fouet; la pirogue a chaviré et son fils, ainsi que les 80 personnes qui l’accompagnaient, sont mort en mer.

L’histoire est racontée par Yayi elle-même, la tête haute, et une pointe de douleur qui traîne dans les yeux, lors d’une formation sur les droits et la participation des femmes et des filles organisée par Equitas et ses partenaires à Pikine, au début du mois de septembre.

Elle nous explique, sous les hochements attentifs des autres participants, que le phénomène de l’immigration clandestine est encore plus intense en banlieue,  où la pauvreté anéantit tout espoir pour les jeunes. Iba Sarr, de l’organisation Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), décrit que dans les banlieues côtières de Dakar, où il travaille en partenariat avec Equitas, les jeunes sont peu scolarisés et on ne leur montre que deux avenues : la pêche ou l’émigration. Les stocks de poissons déclinant chaque année depuis 2006, la pêche devient de moins en moins une option : « la plupart des familles ont perdu quelqu’un de cette façon et je me rappelle en particulier d’un incident où les corps de 14 personnes issues d’un même quartier ont été ramenés, causant une onde de choc immenses dans la communauté. »

« Dans la douleur, il y a eu un déclic »

Yayi s’est mise à réfléchir. Son fils aurait dû trouver sa place dans Pikine. Elle a décidé de partager sa détresse et, de façon naturelle, elle est devenue une voix pour toutes ces mères qui ont perdu leur fils en raison de l’émigration clandestine. Son plaidoyer a permis la mobilisation de nombreuses femmes qui, ensemble, veulent créer une communauté plus dynamique, où les jeunes pourront se réaliser autrement qu’à travers la pêche traditionnelle. C’est ainsi qu’a débuté le Collectif des femmes pour la lutte contre l’émigration clandestine, une organisation de 300 femmes de l’arrondissement qui organisent la culture des céréales, de la teinture, ainsi que des moules, qu’elles distribuent à profit. Elles ont même leur propre caisse de financement. Le projet est peu à peu devenu une locomotive économique et un projet phare démontrant qu’il y a une place pour l’innovation à Pikine. En formant de jeunes filles notamment à la pêche aux moules, ces femmes leur enseignent également l’entrepreneuriat, leur expliquent leurs droits et surtout, leur fait réaliser qu’il est possible pour elles de monter des projets et d’avoir leur place dans la société.

Yayi et des membres de sept autres organisations de Pikine se lanceront dans une grande campagne de mobilisation pour que les jeunes, et particulièrement les filles, deviennent des citoyens à part entière.

Et les droits humains dans tout ça?

Bien que l’histoire de Yayi soit teintée de succès, elle est aussi parsemée d’embûches. Dans une société où l’homme domine, un tel rassemblement a d’abord été vu d’un mauvais œil. Les mœurs locales, exigeant que les femmes demeurent à la maison, silencieuses, ont été bousculées par cette femme forte aux gants de velours: « La première fois que j’ai parlé à un haut responsable, j’ai dû utiliser mille et une stratégies pour le rencontrer, dont me faire inviter pour le dîner par sa quatrième femme, à qui j’ai offert des bijoux pour qu’elle m’ouvre ses portes », raconte Yayi. Le haut taux de violence conjugale, le manque d’infrastructures et le déclin des activités économiques constituent des obstacles à l’émancipation de Pikine. Une bonne dose de créativité et de détermination est requise pour les surmonter.

Pour cette femme qui siège désormais parmi les élus de l’arrondissement, l’éducation aux droits humains s’est imposée d’elle-même. Aujourd’hui, elle se lance dans un nouveau combat, avec l’aide d’Equitas et de la RADDHO, afin que les femmes et les jeunes connaissent leurs droits, et que l’État soit en mesure de remplir ses obligations. Au sortir des cinq jours de formation, Yayi et sept autres organisations de Pikine se lanceront dans une grande campagne de mobilisation pour que les jeunes, et particulièrement les filles, deviennent des citoyens à part entière.

Laura Cliche est chargée de programme à Equitas

La formation sur les droits et la participation des femmes et des filles, organisée par Equitas et ses partenaires sénégalais, a été rendue possible grâce à la participation financière du ministère canadien des Affaires étrangères, du commerce et du développement ainsi que d’Aimia. Elle s’inscrit dans le cadre du programme Renforcer l’éducation aux droits humains à l’échelle mondiale qui vise à bâtir des communautés plus sûres, plus équitables, plus démocratiques et respectueuses des droits humains.

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