Marie Marthe Nicolas, ancienne participante de l’édition 2019 du Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas et Conseillère juridique pour Avocats sans frontières Canada (ASFC) à Port-au-Prince dans le cadre du projet AJULIH (Accès à la justice et lutte contre l’impunité en Haïti), utilise le litige stratégique et l’éducation aux droits humains pour mettre fin à l’impunité, promouvoir les droits humains et améliorer l’accès à la justice en Haïti. Marie Marthe a pris conscience de l’ampleur des violations des droits dans sa communauté, alors qu’elle étudiait à la faculté de Droit. Elle ne pouvait fermer les yeux et rester impassible face ces injustices. Cette exposition à l’absence de justice, ainsi qu’au manque de femmes dans la profession, a poussé Marie Marthe à se spécialiser dans les droits humains et à défendre les groupes vulnérables à Port-au-Prince, et partout en Haïti.
Lutter contre la corruption et l’impunité
Le travail d’ASFC en Haïti repose sur trois piliers : l’accès à la justice, la participation citoyenne et la lutte contre la corruption et l’impunité. Une partie de leur travail rejoint celui qu’Equitas met œuvre en Haïti depuis de nombreuses années – notamment à travers le projet Citoyenneté engagée qui s’est conclut en 2019 et qui visait à renforcer les capacités de leadership des groupes vulnérables et traditionnellement exclus de la prise de décisions, afin de promouvoir la participation citoyenne, l’égalité, l’inclusion et la solidarité. Ce travail se poursuit maintenant avec le projet Promouvoir l’égalité à travers l’éducation aux droits humains en travaillant sur les enjeux d’égalité de genre dans le pays en collaboration avec nos partenaires locaux. Le troisième pilier du travail d’ASFC, et qui comprend les projets menés par Marie Marthe, est la lutte contre la corruption et l’impunité. Il est axé sur les mécanismes légaux visant à tenir pour responsables les autrices-teurs de violations des droits humains et comprend l’utilisation du litige stratégique d’affaires emblématiques relatives aux droits humains. Cet outil utilisé sur le plan juridique est conçu pour mener à des changements sociaux positifs, en portant une affaire devant le tribunal et en l’utilisant pour dénoncer une injustice et faire jurisprudence.
Au sens large, le litige stratégique d’affaires emblématiques relatives aux droits humains ne vise pas seulement à demander des comptes aux responsables des violations graves. Il sert aussi à contribuer, à travers les jurisprudences historiques, à faire respecter les droits humains et l’état de droit, et à mettre fin à la culture de l’impunité qui entoure les violations des droits humains. Selon Marie Marthe, il n’est pas suffisant de mettre les coupables de violations des droits humains derrière les barreaux, il est nécessaire de construire un système judiciaire qui respecte et donne la priorité aux droits humains.
De Montréal à Port-au-Prince : utiliser le PIFDH dans le travail quotidien
Pour Marie Marthe, le Programme international de formation aux droits humains (PIFDH) d’Equitas était une formation essentielle dans son cursus en droits humains. L’approche participative et la démocratisation de l’apprentissage lui ont permis de jeter un regard nouveau sur son travail. Elle a non seulement intégré ces principes dans son travail quotidien mais les a aussi partagés avec ses collègues pour qu’ils puissent en faire autant. Selon Marie Marthe, adopter une approche participative en droits humains est essentiel parce que
« lorsqu’on identifie un problème de droits humains, le meilleur moyen d’amener des changements est d’aller vers les personnes directement concernées ».
Pour elle, le travail en droits humains consiste à reconnaître qu’elle ne peut trouver des solutions à tous les problèmes ou crises relatifs aux droits humains – il est primordial que l’expérience de ceux et celles dont les droits sont violés soit au centre de tout programme ou intervention censés répondre à ladite violation.
Utiliser l’éducation aux droits humains pour habiliter les autres à initier un changement social
Concernant les changements les plus importants qu’elle souhaite voir dans sa communauté, la vision de Marie Marthe est similaire à l’approche adoptée par Equitas au sujet du changement social : c’est l’idée que l’éducation peut être utilisée pour habiliter les autres à initier un changement social. L’aspect juridique de son travail ne se limite pas aux litiges, mais est lié au renforcement des capacités et à l’éducation aux droits humains, qui va au-delà d’une simple personne ou organisation. Selon Marie Marthe, « on ne peut pas se battre pour que justice soit faite ou contre l’impunité sans sensibiliser et diffuser de l’information ». Selon elle, en Haïti, les avocat-e-s ne sont généralement pas enclin-e-s à travailler sur questions ou les problématiques relatives aux droits humains. Ainsi, un aspect important de son travail réside dans la consolidation des capacités des avocat-e-s pour qu’ils ou elles deviennent des défenseuses et défenseurs des droits humains et promeuvent l’accès à la justice.
Le PIFDH joue un rôle crucial dans l’agrandissement des réseaux des défenseuses et défenseurs des droits humains dans le monde entier et dans la promotion d’une approche plus horizontale de l’éducation aux droits humains. Marie Marthe souligne que « quiconque veut en apprendre davantage sur les droits humains, agir ou s’améliorer, devrait participer à la formation du PIFDH ». Pour elle, le programme de formation est central pour sortir de sa zone de confort, découvrir les enjeux mondiaux des droits humains et s’inspirer d’autres défenseuses-eurs des droits humains. Alors que Marie Marthe continue son travail en Haïti pour combattre la corruption et l’impunité, autonomiser et développer les capacités des autres à faire de même, elle considère rétrospectivement son expérience au PIFDH comme une étape importante et marquante dans sa carrière jeune mais déjà impressionnante.
Haïti reste un pays en proie à l’instabilité politique et sociale. Les manifestations contre la corruption ont été accueillies par une recrudescence de la violence. La discrimination contre les populations vulnérables, notamment les femmes, les enfants est répandue. Les Nations Unies craignent que la pandémie ne mène à une plus grande instabilité politique alors que les institutions faibles échouent à tenir pour responsable les fonctionnaires corrompus et les autrices-teurs de violations des droits humains, et semblent sur le point de s’effondrer sous le poids de la pandémie.
Alors que la pandémie mondiale révèle et élargit les fissures dans un contexte où les droits humains sont déjà instables, l’importance de l’état de droit et de la bonne gouvernance, ainsi que de la promotion du respect des droits humains et de la justice sociale auprès des décideuses et décideurs et du grand public, devient criante. Le travail de Marie Marthe, d’ASFC et d’Equitas pour renforcer les mouvements des droits humains est essentiel en temps de crise, comme aujourd’hui, lorsque les droits deviennent plus vulnérables et que l’état de droit est de plus en plus la cible d’attaques.