Buhary est le Directeur général de la Eastern Social Development Foundation à Batticaloa, au Sri Lanka, une organisation dévouée aux droits des femmes et des minorités. En février 2024, lui et plus d’une tre ntaine d’ éducatrices.teurs aux droits humains et partenaires d’Equitas sont venu .e. s jusqu’à Montréal pour une semaine d’échanges , d’apprentissages mutuels et d’activités pratiques. Il a saisi l’opportunité pour partager une histoire importante d’humanité, de justice et d ’action communautaire.
Buhary Mohammed à l’événement international d’apprentissage d’Equitas en février 2024.
Au Sri Lanka, des droits coutumiers ont été instaurés pour les minorités, telle que les Sri Lankais .es musulman .e. s , qui composent environ 9.7% (2012) de la population. Ces droits sont notamment statués par les tribunaux Quazi , des institu tions judiciaires spécifiquement créées pour desservir les musulman .e. s du pays. Le seul prérequis pour devenir juge Quazi est d’être un « homme musulman de bon caractère, de jouir d’une position favorable et d’accomplissements satisfaisants ( Muslim Marriage and Divor ce Act , Article 12(1)). » « Nous ne savons même pas ce que cela veut dire exactement, s’exclame Buhary . [La plupart des juges Quazi ] ont en réalité une faible connaissance du droit. » En effet, cette seule condition permet à des hommes n’ayant aucune expérience antérieure en droit ou formation de devenir des juges à part entière.
Ce manque d’expérience et de connaissances fait en sorte que plusieurs juges Quazi font preuv e de partialité et de discrimination – et les femmes sont les premières à être pénalisées :
« Les femmes ne peuvent pas obtenir justice, parce que c’est un système patriarcal et qui priorise les hommes. Très souvent, elles sont discriminées . » , soutient Buhary .
Déterminé à faire quelque chose, son équipe et lui sont allés vers la Commission des services judiciaires f pour discuter de cet écart inacceptable. L’équipe est ressortie avec un ambitieux projet, une « sorte de collaboration » qui bénéficierait à la fois aux femmes et aux juges.
À première vue, il semble plus facile pour les éducatrices.teurs aux droits humains d’ éviter les personnes qui sont en désaccord avec leur approche, ou celles qui sont plus défavorables au respect de certains droits . Mais Buhary a fait les choses différemment :
« Nous avons contacté tous les juges Quazi , et nous avons renforcé leurs capacités. » D’abord, l’équipe a fait usage de cause s précédent e s pour montrer aux juges comment leur s jugement s ont omis de prendre en compte les droits des femmes. « Nous voulions leur donner un espace dans lequel ils pourraient repenser leur pratique », tout en reconnaissant leurs habiletés respectives. Avec cette approche, « ils se sont ouverts à nous » et ainsi, un véritable dialogue mutuel s’est amorcé.
Pendant ce processus, Buhary s’est servi de s apprentissages qu’il a acquis au cours des formations d’Equitas. « Avec Equitas, j’ai appris à utiliser l’éducation aux droits humains comme o util pour éduquer et habiliter les communautés, et ainsi favoriser le changement. » Et c ‘est exactement ce que lui et son équipe ont fait : des formations pour renforcer les compétences d es juges à prendre en compte les droits humains des Sri Lankais .e.s musulman .e. s et les enjeux auxquels certain.e.s font face, comme la violence basée sur le genre, ou comment les femmes sont socialisées à se taire en présence d’hommes. Ce n’était que la pre mière étape du projet.
Buhary Mohammed qui donne un discours à l’événement international d’apprentissage d’Equitas en février 2024.
« Nous avons ensuite sélectionné plusieurs femmes avec de l’expérience en droit et en psychologie, et elles ont participé à des formations pour devenir des agentes parajur istes conscientes des droits humains. » Avec seulement des hommes comme juges Quazi , les enjeux des femmes sont souvent incompris ou négligés, surtout dans les cas qui impliquent de la violence basée sur le genre :
« Les femmes n’iront jamais en face des hommes pour leur dire ce qui se passe à la maison, en termes de violence physique ou sexuelle. »
La Fondation a constaté que les femmes seraient plus à l’aise si elles pouvaient simplement s’ asseoir et parler avec des personnes qui les comprennent. Encore une fois, Buhary a eu recours aux apprentissages d’Equitas et a fait usage du pouvoir de l’éducation aux droits humains pour renforcer le pouvoir des femmes plaignantes, qui ont maintenant un espace où se confier et revendiquer leurs droits.
Les juristes sélectionnées étaient chargées de lire les causes actuelles des tribunaux Quazi et de rencontrer les femmes concernées pour localiser les enjeux et leurs besoins. Épaulées par la Fondation, les juristes rédigeaient ensuite des recommandations remises aux juges. Un geste qui a été très bien accueilli :
« La plupart des juges étaient très contents de cette intervention. Ils ont trouvé que c’était plus facile pour eux d’identifier les problématiques et les solutions adéquates avant de soumettre leur jugement. »
Ainsi, l’équipe a utilisé le pouvoir transformateur de l’éducation aux droits humains pour rendre les juges Quazi plus consciencieux des droits des femmes qu’ils statuent. Ils sont maintenant devenus des acteurs qui utilisent leur important travail dans la société pour rendre justice aux femmes.
« C’est ainsi que nous nous engageons au sein de notre Fondation, » a conclu Buhary avec fierté .